mercredi 27 janvier 2010


Alphonse Daudet (1840 - 1897)

Les Lettres de mon Moulin (1869)

(Pocket, 2005, 224 pages)


Oeuvre composée de 24 lettres : Installation, La Diligence de Beaucaire, Le Secret de Maître Cornille, La Chèvre de M. Seguin, Les Étoiles, L'Arlésienne, La Mule du pape, Le Phare des Sanguinaires, L'Agonie de la Sémillante, Les Douaniers, Le Curé de Cucugnan, Les Vieux, Ballades en prose, Le Portefeuille de Bixiou, La Légende de l'homme à la cervelle d'or, Le Poète Mistral, Les trois messes basses, Les Oranges, Les deux auberges, A Milianah, Les Sauterelles, L'Élixir du Révérend Père Gaucher, En Camargue, Nostalgies de caserne.


L'auteur évoque surtout la Provence, mais aussi la Corse et l'Algérie. Le décor est toujours planté avec beaucoup de poésie et tout semble vivant. La nature est très présente à travers les astres, le vent, la mer, les arbres et surtout les animaux qui sont dans certaines lettres humanisés ; ce qui me fait toujours beaucoup rire. Le rire justement, la gaieté de vivre est mise à l'honneur dans certaines lettres. Mais il y a aussi des histoires tragiques à l'atmosphère sombre.

L'auteur est un fameux conteur car il arrive à faire passer beaucoup d'émotion à travers de simples détails. Dans Le secret de Maître Cornille, par exemple, toute l'inquiétude et la tristesse qu'inspire Maître Cornille et son moulin se retrouvent dans « un grand chat maigre qui prenait le soleil sur le rebord de la fenêtre et vous regardait d'un air méchant ». Il est amusant aussi qu'un personnage soit évoqué par un objet qui parle pour lui, comme dans La Diligence de Beaucaire : « un homme... non ! une casquette, une énorme casquette en peau de lapin ».

L'écriture est belle, musicale et nous plonge, dès les premiers mots, tout entier dans l'univers de chaque histoire. C'est vif, frais, comme le souffle du mistral.

Ce fut une lecture agréable et plutôt reposante, car on ressent cette lenteur de la vie d'autrefois où l'on se déplaçait à pied, en diligence, à cheval ou à dos d'âne.


« Ce sont les lapins qui ont été étonnés !... Depuis si longtemps qu'ils voyaient la porte du moulin fermée, les murs et la plate-forme envahis par les herbes, ils avaient fini par croire que la race des meuniers était éteinte, et, trouvant la place bonne, ils en avaient fait quelque chose comme un quartier général, un centre d'opérations stratégiques : le moulin de Jemmapes des lapins... La nuit de mon arrivée, il y en avait bien, sans mentir, une vingtaine assis en rond sur la plate-forme, en train de se chauffer les pattes à un rayon de lune... Le temps d'entrouvrir une lucarne, frrt! voilà le bivouac en déroute, et tous ces petits derrières blancs qui détalent, la queue en l'air, dans le fourré. J'espère bien qu'ils reviendront.


Quelqu'un de très étonné aussi, en me voyant, c'est le locataire du premier, un vieux hibou sinistre, à la tête de penseur, qui habite le moulin depuis plus de vingt ans. Je l'ai trouvé dans la chambre du haut, immobile et droit sur l'arbre de couche, au milieu des plâtras, des tuiles tombées. Il m'a regardé un moment avec son œil rond ; puis, tout effaré de ne pas me reconnaître, il s'est mis à faire : « Hou ! Hou ! » et à secouer péniblement ses ailes grises de poussière ; - ces diables de penseurs ! ça ne se brosse jamais... N'importe ! tel qu'il est, avec ses yeux clignotants et sa mine renfrognée, ce locataire silencieux me plaît encore mieux qu'un autre, et je me suis empressé de lui renouveler son bail. Il garde comme dans le passé tout le haut du moulin avec une entrée par le toit ; moi je me réserve la pièce du bas, une petite pièce blanchie à la chaux, basse et voûtée comme un réfectoire de couvent. »

(Février 2008)

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