jeudi 28 janvier 2010


Akif Pirinçci (Allemagne)

Chien méchant
Une enquête du détective Francis

(Belfond, 2001, 264 pages)


"En amour comme à la guerre, tous les coups sont permis, dit-on. Mais, s'il en va ainsi, l'amour aussi est permis en temps de guerre, et j'allais en faire l'expérience dans les jours suivants. Comme si souvent dans la vie, pourtant, cet amour ne se révélerait tel qu'une fois l'objet aimé envolé. Venez, suivez-moi ; je vais vous raconter une histoire de guerre et d'adversaires aimables, une histoire où l'on verra que les ennemis nous sont aussi indispensables que l'air que l'on respire."

Ainsi débute l'histoire que va nous conter un détective très spécial : Francis le chat.

Des chats et des chiens sont retrouvés assassinés et présentent une étrange marque de morsure à la gorge. Tandis que Francis rechigne à mettre de côté sa petite vie tranquille pour reprendre du service, son ami Barbe-Bleue lui annonce que cette série de meurtres est sur le point de déclencher une guerre. En effet, la communauté des chats et celle des chiens s'accusent l'une l'autre de ces meurtres ignobles. Mais qui a donc intérêt à déclencher une guerre ?
La curiosité de Francis l'emportera sur son amour du confort, puis la découverte du dernier cadavre finira de le convaincre qu'il lui faut absolument résoudre cette affaire. Mais puisque les deux communautés sont concernées, il sera flanqué d'un partenaire, un "clébard" nommé Hektor, ex-chien policier à la retraite.
Francis peinera à réunir les pièces du puzzle dans cette enquête et pour cause, il découvrira qu'il n'est qu'un simple pion sur l'échiquier d'un esprit diabolique.


J'ai adoré le langage soutenu de ce cher Francis, chat âgé de 97 ans. Mêlé à son esprit caustique, son humour féroce, cela devient un vrai régal. J'ai relu certains passages deux ou trois fois, tellement ils m'ont fait rire, tellement je les ai appréciés !
J'ai trouvé Francis plus qu'attachant ; on aimerait l'avoir pour chat ! Le personnage de Barbe-Bleue est très drôle aussi ("merde alors"). Et ce pauvre vieux Hektor, on l'adopterait sur le champ.

Pour ce qui est de la forme, ce livre est un vrai polar, bien plus à mon goût que tous les Jean-Christophe Grangé et Patricia Cornwell réunis. Peut-être trouverez-vous ça louche. Et pourtant, j'ai rarement eu autant de plaisir à lire un polar.
Pour ce qui est du fond, il y a de la matière pour une réflexion après lecture. A travers les tensions et menaces entre chiens et chats, on retrouve le thème du racisme et plus globalement de l'intolérance. Et si l'homme prenait exemple sur la capacité qu'a Francis le chat à se remettre en question pour changer et devenir meilleur, le monde serait bien différent. Et puis de l'ethnocentrisme découle ce fléau qu'est la guerre, dont l'absurdité est exposée très simplement, comme une évidence, tout au long du livre. Les manoeuvres politiciennes sont également dénoncées avec beaucoup d'humour. Il y a aussi plusieurs notes très intéressantes concernant les animaux et surtout les chats, bien sûr. Deux m'ont particulièrement intéressée : Miacis, ancêtre commun des félidés et des canidés, apparu sur la scène de l'évolution voici soixante millions d'années, à l'ère du paléocène. Et l'utilisation des animaux par l'homme durant toutes les guerres de l'histoire !

Bref, un livre plein d'humour, très bien écrit, mettant en scène des personnages très attachants, pour une enquête bien menée, sur fond intelligent.

"L'homme, dans son infinie méchanceté, n'ayant jamais pu se consoler de la perte irrémédiable de son innocence, avait cherché, mû par une jalousie toute primitive, à impliquer dans ses turpitudes tous ceux qui ne l'avaient pas encore perdue. Oui, les animaux avaient participé à toutes les guerres. Mais leur coller une culpabilité morale sur le dos n'était pas possible, même avec la meilleure volonté du monde. La faute était du côté des hommes, et nulle part ailleurs."

(Avril 2008)

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