vendredi 5 février 2010


Jonathan Coe (Royaume-Uni)

La Maison du sommeil

(Folio, 2000, 480 pages)


Après avoir été une résidence universitaire, Ashdown, impressionnante propriété perchée sur une falaise des côtes anglaises, accueille désormais la clinique du sombre docteur Dudden qui traite des troubles du sommeil. Tels des fantômes en errance, certains visages reviennent rôder au sein d'Ashdown. Des vies se recroisent après douze ans d'éloignement et de métamorphoses inattendues.


Avec La Maison du sommeil, Jonathan Coe nous livre une atmosphère inquiétante mêlée d'ironie. Entre apitoiement sur le sort peu enviable des personnages et humour corrosif de l'auteur, le lecteur est chahuté. Parfois même, ce livre inspire une farce. En témoigne la fameuse mise en abîme introduite dans le chapitre 7 : "La maison du sommeil, écrit par un auteur, Franck King, dont elles n'avaient encore jamais entendu parler" -, agrémentée d'une savoureuse autodérision chapitre 14 : "Croyait-elle vraiment que ce récit d'horreur à quatre sous, qu'avec Véronica elle avait toujours considéré comme une vaste bouffonnerie, ait soudain acquis le mystérieux pouvoir de la blesser ?". Même lorsque l'auteur s'applique à donner une stature digne d'un sinistre château hanté à la propriété d'Ashdown, il provoque une situation cocasse en réécrivant mot pour mot la description de celle-ci à trente pages d'écart : une impression de déjà vu ?
De plus, les situations loufoques ne manquent pas dans ce récit, à noter le malentendu concernant le décès de la chatte de Robert, l'article aux notes de bas de page décalées paru dans Photogramme ou encore le colloque des psys qui est mémorable ! Et c'est par là que passe Jonathan Coe pour mener une critique acerbe de la société et s'engager politiquement, en se gaussant des absurdités qui peuvent être rencontrées même dans un secteur aussi sérieux que la psychiatrie, tout en dénonçant le tragique du manque de moyen qui en découle.

Une farce révélatrice de l'absurdité de l'existence. Car on rit beaucoup en lisant La Maison du sommeil mais avec une chape de plomb posée sur la tête. Car, finalement, le projet de scénario de Terry ne résume-t-il pas ces douze années passées sur les vies de Sarah, Gregory, Veronica, Robert et Terry lui-même : "Enchaînement brutal de plans de son visage à vingt ans, plein d'enthousiasme juvénile, et de plans de son visage à soixante-dix ans, creusé par l'amertume et le désenchantement. Une chronique vertigineuse, accélérée, de l'optimisme se ratatinant en désespoir." ?

(Juin 2009)

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