vendredi 5 février 2010


Delphine de Vigan

No et moi

(Le Livre de Poche, 2009, 256 pages)


"Les histoires entre les parents et les enfants, c'est toujours plus compliqué."


Lou, une adolescente surdouée, se lie d'amitié avec une jeune femme SDF et tente de bouleverser le cours des choses...

Ce livre aborde plusieurs sujets intéressants mais il ne faut surtout pas s'attendre à un traitement de fond. Sur la quatrième de couverture, une critique de Marie-Claire considère que c'est "l'art de dire des choses graves avec légèreté." En effet, quelle légèreté ! On a l'impression que l'auteur aborde des thèmes trop complexes pour elle, ce qui l'empêche donc de développer ses idées dont le contenu reste ici franchement au ras des pâquerettes. Est-ce parce que son héroïne n'a que treize ans qu'elle simplifie les choses à ce point ? Pourquoi écrire un livre dont l'héroïne est si jeune si cela oblige à rester toujours dans cette seule conclusion : "C'est compliqué." Réponse évasive bien connue que les parents donnent à leurs enfants parce qu'ils n'ont pas le courage de réfléchir avec eux. Cela m'a surtout fait sortir de mes gonds lorsque cette réponse revient en force au moment où est révélée l'étendue des dégâts de la relation que No a avec sa mère. C'est justement là qu'il y a des réponses ! Mais non, c'est compliqué, alors... L'auteur ne détient certes pas les clefs de la vérité mais devrait au moins avoir le courage d'avoir un avis et d'en faire part au lecteur, parce que c'est franchement trop facile de claquer cette réponse idiote.

C'était sans compter que le livre fait parfois penser à un prospectus publicitaire ! En voici quelques exemples :
1/ "je tomberais raide de ma petite hauteur, les Converse en éventail"
2/ "je pourrais prendre mon sac Eastpack et sortir sans un mot"
3/ "elle donne à No un Bounty et un paquet de petits Lu"
4/ "elles vont chez H&M le mercredi après-midi"
5/ "le tee-shirt que j'avais acheté chez Pimkie"
Dans quelques années, il faudra se munir d'un dictionnaire des marques pour lire Delphine de Vigan ! Car, à part dans l'exemple 2 dont la marque est précédé du nom de l'objet, on risque de ne pas comprendre de quoi il s'agit exactement.

Il y a même une devinette mais il faut avoir une excellente culture générale ! Je vous cite le passage, comme ça vous pourrez jouer aussi : "Mais ma mère est restée dans son silence et j'ai regardé la pub avec la fille qui met un déodorant magique et danse au milieu des gens, les flashes crépitent et elle tourne sur elle-même avec une robe à volants, j'avais envie de pleurer."
J'espère ne pas me tromper en disant qu'il s'agit du déodorant Narta. Mais étant donné que je n'ai plus la télé depuis 4 ans et que le livre a été publié en 2007, il est possible que je ne sois plus dans le coup et qu'il s'agisse d'un autre déodorant !

Que dire des tics de langage qui inondent le livre pour faire "djeun's", sinon que j'ai failli me flinguer pendant les premières pages tellement il y en avait et que cela m'empêchait de profiter un tant soit peu de l'histoire cachée dessous. Le livre fait 250 pages, j'ai compté les "et tout" pendant 100 pages : 22 fois la phrase se termine par ces termes. C'est consternant ! Nous avons des tics de langage lorsque nous parlons mais ils disparaissent souvent à l'écrit. Ben non, Delphine de Vigan elle les écrit quand même ! Pourquoi pas un ou deux dans les dialogues, mais quand l'héroïne pense ? Aucun intérêt !

Bref, vous l'aurez compris, je n'ai pas beaucoup apprécié ce livre plutôt creux, à l'écriture plate, aspergé d'une bonne dose de Narta tant certains sujets qui y sont abordés sentent mauvais et pourraient choquer le nez du lecteur sourcilleux du confort de sa conscience s'ils étaient traités avec plus de cran. Où est donc l'impertinence du discours qu'on lui octroie ? Caresser dans le sens du poil ou noyer le poisson me semble bien loin de l'impertinence. No et moi reste donc une histoire "mignonnette", sans plus.

Un petit passage apprécié, tout de même, pour la route : "Noël est un mensonge qui réunit les familles autour d'un arbre mort recouvert de lumières, un mensonge tissé de conversations insipides, enfoui sous des kilos de crème au beurre, un mensonge auquel personne ne croit." (Passage qui aurait plus d'impact dans une véritable réflexion sur la famille, vaste chantier.)

(Mai 2009)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire