vendredi 24 juin 2011


Les encombrants est un recueil de sept nouvelles sur le thème de la vieillesse.

"Eliette et Léonard" : une vieille dame se réjouit de la venue de ses petits enfants et se démène pour les accueillir de la plus belle manière. Son compagnon, lucide, nous fait part de son avis sur l’événement, sans détour, et dans un langage très imagé.
"Une garde de nuit" : le portrait d’une auxiliaire de vie, hantée par la peur de vieillir, qui maltraite les pensionnaires de la maison de retraite qui l’emploie sans laisser de traces.
"Son père" : le regard tendre mais désemparé d’une femme sur son père qui change et s’éloigne à mesure qu’il vieillit.
"On n’a pas tous les jours cent ans…" : le récit d’une fête d’anniversaire en maison de retraite. Le député-maire ne raterait les cent ans de Madame Vivieux pour rien au monde, d’autant plus qu’une équipe télé est présente. « Comme dit Mme Prunier, de l’accueil : le centenaire, c’est vendeur. »
"Rose thé" : l’histoire d’un vieux monsieur qui, tel un chaton égaré, se perd dans un jardin de roses. Une attitude qui peut avoir de belles conséquences.
"Vic" : une relation houleuse entre un vieux grognon et son chien.
"Comment fait-elle ?" : une conversation tendue entre une mère et sa fille révélant à quel point il est difficile de trouver sa place face à l’autre.

La variété de tons de ce recueil en fait un véritable trésor de réflexion sur un sujet sensible de notre société : que faire des vieux ?

Le titre est assez évocateur : les encombrants sont nos proches qui vieillissent et nous volent de l’espace, du temps, de la vie. Alors, le plus souvent, on les case en maison de retraite. On les voit suffisamment pour se donner bonne conscience, mais assez peu pour rester un pied en dehors de cette sphère macabre. C’est qu’on attraperait la mort à trop y être attentif ! C’est en substance, le schéma mis en relief dans ce recueil : lâcheté, abandon, indifférence. Nous n’avons à offrir à nos anciens qu’hypocrisie. Mais, sans le savoir, c’est aussi nous-mêmes que l’on trahit. A-t-on l’illusion d’échapper soi-même à cette étape de la vie ? Notre hantise de la mort, issue d’une immaturité générale devant les questions existentielles, nous fait accepter un monde où la personne âgée n’est plus considérée comme une personne, mais comme une menace, un miroir maudit qui nous renvoie notre avenir terrible. « Vieillir est un trop long chemin. C’est une impasse. » -, lit-on dans la nouvelle Son père. Est-ce la vieillesse en elle-même qui est une impasse ou le jugement que l’on porte sur elle ? Au sein d’une société plus tolérante et moins frileuse, cette étape de la vie ne pourrait-elle compter ses petits bonheurs ?

Et c’est justement la magnifique nouvelle Rose thé qui nous inspire cette vision positive. Car ici, même les défaillances du corps et de l’esprit liées au grand âge ne désarment pas un homme de cœur : « J’ai vu le fils se rapprocher du père, d’un mouvement coulé, pour le rabattre, le forcer à reprendre la bonne direction, en douceur. Chien de berger qui ramène au troupeau la brebis qui s’échappe, sans mordre, d’un jappement léger. » L’attitude du vieux monsieur, s’égarant dans un jardin de roses, est loin de représenter une impasse, elle ouvre au contraire les portes à une relation nouvelle. L’écriture de Marie-Sabine Roger s’y fait plus douce, le récit avance à tâtons, semblant ne pas vouloir effrayer les protagonistes. Une délicatesse réjouissante !

Il y a donc beaucoup de choses dans ce petit recueil de nouvelles. Un sujet d’actualité, sensible, qui mériterait d’être plus souvent traité. Une palette d’histoires nuancée qui permet de mieux penser ce thème de la vieillesse. Une écriture souple, toujours au diapason avec la situation. Des textes travaillés : construction et chute parfaitement maîtrisées. Quelques surprises attendent d’ailleurs le lecteur, notamment sur l’identité de certains personnages. En somme, Les encombrants est un plaisir tant sur le plan de la réflexion que sur le plan littéraire.

Marie-Sabine Roger, Les encombrants, Actes Sud/Babel, 2007, 97 pages

4 commentaires:

  1. Bonjour Louvaluna,
    Je viens seulement de découvrir ton blog... mais je m'en réjouis ! Je viendrai y faire un petit tour régulièrement car j'aime beaucoup tes critiques.
    Ce recueil de nouvelles, je dois absolument le lire et j'ai déjà l'idée de l'offrir aussi. Merci beaucoup d'avoir relancé cette auteure dans ma LAL !
    A bientôt,
    Ysla

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  2. Coucou Ysla,
    Merci pour ce commentaire, c'est le premier de ce blog ! J'ai avant tout créé cet espace pour pouvoir réunir mes avis de lectures, car cela me permet de me relire facilement pour tenter de m'améliorer. J'espère que la présentation en est agréable. J'ai essayé de faire sobre mais avec quelques photos tout de même, histoire de personnaliser un peu. Pour la petite histoire, il s'agit du même livre sur les quatre clichés : un gros bouquin qui m'a permis de jolis effets, soit "Le bon usage" de Grevisse. J'aurais encore préféré un énorme et très vieux grimoire, mais je n'en avais pas sous la main !
    Pour "Les encombrants", j'espère que tu apprécieras autant que moi. J'ai vu que Suzanne de la Biblio-net avait beaucoup aimé aussi.
    A+
    Louvaluna

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  3. Encore moi ;-)
    La présentation de ton blog est en effet très plaisante. Les photos du Grevisse (que je n'avais pas reconnu ;-)) sont très belles, j'aime particulièrement la première avec les ronds de lumière.
    Et les fleurs sur la droite, j'aime beaucoup aussi.
    A bientôt,
    Ysla

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  4. Merci Ysla pour tes réactions. Ça me fait très plaisir. Pour les ronds de lumière, je peux remercier les volets roulants de mon ancien appartement ;-)

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